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Une femme debout sur un morceau de falaise en chute libre

Pourquoi une courte formation ne convient pas aux camionneurs, et que faire à la place

Mark Murrell

Dernièrement, j’ai vu certaines personnes promouvoir l’idée que la formation des camionneurs doit être très courte – disons, moins de 10 minutes – et essayer de nous convaincre que les chauffeurs ne veulent ou ne peuvent supporter rien de plus.

Je trouve que cet argument est à la fois erroné et plutôt condescendant à leur égard. Cela semble être encore une autre chose où les gens acceptent des mythes souvent répétés sans vraiment y réfléchir. Donc, dans le même esprit que celui de mes articles – ou récriminations – précédents (ici, ici, et ici), j’ai voulu y regarder de plus près et explorer ce qui se passe réellement.

Voici pourquoi ce fil d’idée est intrinsèquement erroné, ce qui se passe vraiment lorsque les camionneurs disent cela, et que faire pour changer la donne.

La formation ressemble aux autres activités

À mon avis, l’argument disant que les camionneurs ne peuvent pas se concentrer sur une formation pendant une certaine période n’a aucun sens. En effet, ils conduisent pendant des heures sur la route d’une attention soutenue (jusqu’à 8, sans prendre de pause, selon le règlement sur les heures de conduite actuel), et ils n’ont certainement aucun problème à se concentrer sur un match de hockey, à regarder des émissions en rafale, ni à participer à des activités chronophages pendant la journée ou la semaine. Pourtant, ils ne seraient pas capables de passer une heure dans une formation pour améliorer leurs compétences? Il y a quelque chose qui cloche.

(Cela vaut la peine de mentionner que la formation en ligne est le seul type de formation où la devise « plus c’est court, meilleur c’est » semble exister. Personne ne limite une orientation ou une formation sur la route à 10 minutes, alors pourquoi le faire aux cours en ligne?)

La formation prend du temps

Lorsque quelqu’un suggère que la formation devrait être limitée à 10 minutes, la première chose que je me demande, c’est comment cette personne enseignerait le déroulement d’une ronde de sécurité en si peu de temps. Ou l’arrimage de cargaison. Ou encore, les heures de conduite, les poids et dimensions, ou une foule d’autres sujets qui sont complexes et qui nécessitent du temps pour bien les comprendre.

Les règlements sur les matières dangereuses, pour prendre cet exemple, comportent beaucoup de contenus qui doivent être étudiés pour bien aborder la matière, il n’y a donc aucun moyen pratique de passer à travers sur une période aussi courte.

Ce n’est pas vraiment court

Lorsque je dis cela aux partisans du fameux « plus c’est court, meilleur c’est », ils en conviennent et proposent plusieurs courts modules, un à la suite de l’autre pour bien couvrir la matière.

Donc… PAS limité à une courte période, après tout.

Ce qui est bien sensé, puisque mon argument précédent indiquait qu’il n’y a aucun moyen réel de couvrir un sujet adéquatement en 10 minutes.

Cela interrompt le déroulement de l’apprentissage

Cependant, dans la plupart des cas, les modules NE SONT PAS reliés pour former un tout. Ils sont simplement attribués un à la fois, sur une longue période. Cela signifie que ce mois-ci, les camionneurs en apprendront un peu sur un sujet, et que le mois prochain ils en apprendront un peu plus. Cette approche, pour le moins dispersée, limite considérablement la rétention du contenu, puisque les gens n’ont pas l’occasion de se recueillir dans un espace d’apprentissage ni de passer du temps à réfléchir aux concepts enseignés.

Ce n’est pas vraiment de la formation

Et si vous décidez de garder cela court (et certains suggèrent des modules VRAIMENT courts, soit environ 5 minutes), ce que vous offrez équivaut davantage à un genre d’« astuce du jour ». Certes, ces derniers sont bien pratiques, et je recommande fortement de vous en servir au sein d’un programme pour faire réfléchir les gens. Mais cela ne constitue pas de la formation, et certainement pas ce qu’on peut appeler du perfectionnement pour les camionneurs.

Les camionneurs sont comme les autres professionnels

Je suis parmi les gens qui croient que les camionneurs sont des experts professionnels, comparables aux pilotes d’avion, aux avocats et aux comptables. Ces autres professionnels consacrent des efforts constants au maintien et à l’amélioration de leurs compétences (au-delà de leur exercice quotidien) et suivent des formations dans ce sens. Si nous voulons que le public considère les camionneurs au même titre que ces autres personnes, il faut donc les traiter comme des professionnels. Les avocats, les comptables et les pilotes d’avion ne diraient jamais que quelques courtes vidéos sont suffisantes pour maintenir leurs qualifications, alors pourquoi le serait-ce pour les camionneurs?

C’est dangereux pour la flotte

Aucune flotte ne souhaite se trouver au milieu d’un procès à défendre leurs activités contre un adversaire qui plaide que l’entreprise fait passer les profits avant la sécurité. Si la formation des conducteurs se résume à des notions primitives, dispensées de temps en temps en courts segments, il est difficile de prouver que la flotte prend la sécurité au sérieux. Dès que l’avocat de la défense détectera une approche simplette et bon marché envers la formation des conducteurs, l’argument entier se concentrera sur le fait que la flotte a lésiné sur la sécurité pour épargner des sous. Vous lui avez effectivement remis une victoire, et je ne comprends pas pourquoi quiconque voudrait lui faciliter la tâche.

On passe à côté de la question

Si les conducteurs disent qu’ils ne veulent pas passer une heure ou deux sur la formation, ils ne parlent pas de la formation en tant que telle. Dans ces cas, il y a quelque chose d’autre qui cloche, mais si les problèmes sous-jacents ne sont pas réglés, la flotte n’améliorera jamais son profil de sécurité, l’efficacité de ses activités ou la culture d’entreprise.

Alors, si une « longue formation » n’est pas le vrai problème, qu’est-ce? Et comment l’aborder?

Résoudre le vrai problème

Si les camionneurs disent que la formation devrait être courte, que disent-ils en réalité?

Il s’agit là de bonnes raisons de vouloir une solution rapide, et si j’étais à leur place, je serais du même avis. Toutefois, ce sont tous des problèmes sur la façon dont l’entreprise organise la formation et soutient le perfectionnement des camionneurs, et non des problèmes avec la formation en tant que telle.

La première raison pour laquelle les conducteurs ne participent pas à la formation, c’est qu’elle est présentée comme étant une corvée ou une punition, plutôt qu’un investissement dans leur avenir. Les flottes qui mettent l’accent sur le fait que la formation aidera les camionneurs à croître et à devenir meilleurs dans leur travail, et qui soutiennent ces efforts dans toute l’entreprise n’entendent aucune plainte au sujet de la longueur.

La clé pour motiver les conducteurs est assez simple :

Lorsque les flottes veulent élargir leurs programmes de formations, et approfondir le contenu, cette décision provient toujours d’un raisonnement logique. Si on communique ces raisons aux camionneurs, ils comprennent et soutiennent souvent les décisions.

Lorsque les flottes démontrent qu’elles sont sérieuses au sujet du perfectionnement des routiers professionnels, en les rémunérant et en leur donnant assez de temps pour terminer leurs cours (c.-à-d. sans pression de reprendre la route ou de rattraper leurs heures par d’autres moyens), les conducteurs se sentent soutenus. Et lorsqu’ils se sentent soutenus, il remboursent ce soutien en consacrant leur temps et en se concentrant sur leur apprentissage.

Nous voyons cela chez nos clients tout le temps : les conducteurs demandent régulièrement PLUS de formation et passent leurs temps libres à suivre des cours facultatifs parce qu’ils veulent en apprendre plus et se perfectionner dans leur travail.

J’ai vu la même chose dans les données de notre programme Les flottes les plus en vue. Les flottes qui prennent le temps de communiquer avec leurs camionneurs, de les impliquer dans les décisions et de leur donner l’espace nécessaire pour bien accomplir leurs tâches ont toujours un meilleur rendement. Leurs conducteurs sont plus heureux, ils ont de meilleurs dossiers de sécurité et le roulement du personnel diminue aussi.

Parlant de formation, les données à ce sujet sont sans équivoque : chaque année, depuis les 15 dernières, plus de 90 % des camionneurs indiquent qu’ils attachent de l’importance à la formation continue et qu’ils en veulent davantage.

L’idée que les conducteurs sont intrinsèquement contre la formation, et donc que cette dernière doit être minimisée, n’est tout simplement soutenue par les données.

Alors, la prochaine fois que quelqu’un déclarera que la formation des camionneurs doit être courte et seulement dispensée en petites doses, jetez un coup d’œil à la façon dont elle est présentée au sein de l’entreprise. Si vous mettez en place le message, les communications et le soutien de toute l’entreprise, vous verrez que les plaintes sur la longueur des cours disparaîtront assez vite.